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Photo du rédacteurGilles Buffet

A la recherche de l'oiseau bleu (cinquième et dernière partie)

Dernière mise à jour : 31 mai 2020

Après des semaines de recherches et d'observations attentives, j'avais donc repéré une partie d'étang dans laquelle un couple de martin-pêcheur venait, je les avais vus, faire bombance. Je cherchais un endroit favorable à l'installation d'un affût, offrant à la fois une vue à peu près dégagée sur la pièce d'eau mais assurant également un minimum de couverture naturelle. Voir sans être vu. Il était préférable également que la zone ne soit pas trop humide, avec un minimum de ronces et d'épines et dans lequel on peut pénétrer sans trop de difficultés. Pas sérieux s'abstenir ! Un poste me semblait rassembler pas mal de ces caractéristiques, avec un avantage de taille : il offrait une vue dégagée sur une branche morte à moitié immergée pouvant avantageusement servir de perchoir au volatile ! Enfin, sur le papier, c'était faisable.

Je profitai des premières heures du jour, dès le lendemain, pour me rendre à l'endroit choisi, et j'installai mon affût le plus discrètement possible. Avec la pratique, j'ai considérablement amélioré ma technique pour me mettre en situation rapidement et, surtout, sans avertir le quartier que c'était bien là que j'avais décidé de passer les deux prochaines heures de mon existence. Car en effet, le camouflage peut bien être sophistiqué, si l'installation ne se fait pas le plus subrepticement possible, on hypothèque d'emblée toute chance d'observer quoi que ce soit !

Après m'être assis à même le sol, caché derrière deux couvertures de camouflage savamment positionnées, avoir installé et réglé le matériel photographique, l'attente pouvait donc commencer. L’ouïe est souvent le premier des sens sollicités, les oiseaux restent visuellement discrets, mais ont tendance à signaler leur présence par leurs chants, et je pus dire, rapidement, que des merles se répondaient sur les cimes alentours. Après une bonne demi-heure, j'avais également entendu quelques cris caractéristiques de l'oiseau tant attendu, les espoirs de le voir étaient confirmés, validant le lieu choisi pour m'installer. Après quelques instants, j'avais même pu l'apercevoir brièvement lors de ses passages à travers les branches.

Quelques minutes s'étaient à nouveau écoulées quand un "plouf", comme celui fait par une pierre qu'on lance dans l'eau, attira mon attention à quelques mètres devant moi. Presque aussitôt, l'oiseau sorti de l'eau et alla se percher sur une branche située à une vingtaine de mètres, dans l'axe de mon appareil photo. Il était posé, en observation, et semblait ne pas m'avoir repéré. Lentement, j'orientai mon objectif vers l'oiseau et je fis, enfin, mes premières photos de martin-pêcheur dans de bonnes conditions ! Le piaf continuait à regarder autour de lui, hochant la tête d'une manière tout à fait caractéristique, c'est en tout cas ce que j'avais lu, mais c'était la première fois que je pouvais l'observer "en vrai". Pur moment de bonheur, et je n'en étais pas au bout de mes surprises.


De nouveau, l'oiseau alla se percher dans les branches au-dessus du plan d'eau. Il était à nouveau invisible, mais je savais qu'il était là. Quelques minutes d'attente, d'espoir, tous les sens aux aguets, avant qu'une flèche bleue perce à nouveau la surface de l'eau pour en ressortir presque immédiatement, un poisson dans le bec, pour venir se percher sur la branche morte que j'avais repérée préalablement. Dès lors, j'eu l'impression d'assister à un moment rare, comme on ne les voit en général que dans les reportages animaliers. L'oiseau allait violemment frapper la branche avec le poisson qui dépassait de son bec pour l'assommer, et répéter plusieurs fois l'opération avant de l'avaler ! Une mise à mort dans le règne animal, scène quotidienne qui se joue depuis que le monde est monde, mais que je n'avais jamais vue d'aussi près, spectateur discret, se faisant oublier par les protagonistes. J'en connaissais également la technique, l'ayant lu, là aussi dans des articles consacrés à l'oiseau, mais en être le témoin donnait à l'événement une toute autre envergure.

La scène s'était déroulée en quelques secondes, peut-être une trentaine, mais je n'avais pas voulu risquer de déranger le pêcheur, préférant rester un témoin visuel et oublier l'appareil photo. En revanche, j'espérais avoir repéré une sorte de rituel et je positionnai mon objectif sur la branche qui avait servi d'arme du crime. Une bonne vingtaine de minutes plus tard, un nouveau plongeon donna lieu à la même scène, au même endroit, il y avait récidive et j'étais maintenant préparé à immortaliser l'instant avec mon appareil. La proie était un peu grosse sans doute pour le gourmand, aussi dut-il s'y reprendre à de nombreuses reprises pour estourbir son petit déjeuner, mais il finit par l'avaler et repris son vol pour, peut-être, aller nourrir sa progéniture.

Des mois de recherches et d'attente venaient d'être comblés au-delà même de mes espérances. Une quête prenait fin et je ressentais des sentiments assez bizarres, heureux de cette nouvelle expérience mais regrettant presque, à la fois, une forme d’achèvement. Pour ne pas risquer de me faire repérer et de bousculer, par ma présence, cet équilibre fragile, je m'éclipsai aussi discrètement que j'étais arrivé


Le pêcheur et sa proie



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2 Comments


yvettebuffet
yvettebuffet
May 26, 2020

Pourquoi dernière partie qui a l'air de te laisser une si grande nostalgie… Ce si bel oiseau te réserve peut-être de nouvelles surprises, car il est devenu ton ami -peut-être plus fidèle que sur facebook...

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Samuel Garret
Samuel Garret
May 26, 2020

T'inquiète mon Gillou, tu vas forcément en garder quelque chose...

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