La semaine avait été pluvieuse, venteuse, et même neigeuse sur les hauteurs de la chaîne du Jura. Comme pour prendre le contrepied d'un hiver exceptionnellement doux, avril, qui était presque arrivé à son terme, avait pris les atours de novembre. Les locaux n'étaient guère surpris par ce refroidissement tardif, habitués qu'ils étaient à des conditions météo rudes quelle que soit la période de l'année. Je devais ce passage dans le Haut-Doubs au vernissage de l'exposition "Profondeur de Champs" à Villers-Le-Lac, à laquelle j'étais invité pour la deuxième année, et je pensais pouvoir tirer parti de ma venue pour m'offrir une nuit sur place et une séance photo matinale le lendemain.
Le samedi matin le ciel était clair et, de ma chambre, je voyais avec enthousiasme l'humidité accumulée ces derniers jours se condenser au fond de la vallée du Doubs. Les conditions étaient prometteuses et je pris la route bien vite pour rejoindre un lieu potentiellement propice à de belles images et que j'avais pris soin de repérer la veille. Après quelques kilomètres de route à remonter le cours de la rivière, je m'arrêtai sur le bord de la route pour laisser ma voiture à flanc de côteau. En contrebas, s'ouvrait un paysage de pâtures, ponctué de fermes aux silhouettes trapues typiques de la région, qui descendait en pente douce vers une lisière marquant le commencement d'une vallée qu'on imaginait plus profonde, dissimulée sous une nappe de brouillard épaisse. Sur la rive opposée, la pente plus abrupte était couverte de résineux. Au fur et à mesure que je me rapprochais de la lisière, le soleil montait à l'horizon et la chaleur de ses rayons semblait pousser la masse nébuleuse tapie dans les profondeurs de la gorge. La brume remontait au niveau des arbres et petit à petit le paysage se modelait, laissant apparaître, puis dissimulant des parts entières de montagne.
La scène évoluait sans cesse, l'environnement se redessinait à l'envi et à chaque instant mon regard était attiré par des compositions subtiles aguichant mon œil de photographe. Au bout d'une bonne demi-heure, la nébulosité avait gagné le plateau sur lequel je me trouvais et la température avait baissé de quelques degrés. J'étais engourdi, mais je continuais à profiter des changements perpétuels qui avaient lieu sous mes yeux. Les cimes des sapins du versant opposé, qui avaient complètement disparu depuis un bon quart d'heure, transperçaient maintenant la couche de ouate qui les recouvraient quelques minutes auparavant et j'en profitais pour saisir ces esquisses et ces suggestions d'arbres.
Après plusieurs mois d'inactivité artistique, j'étais pleinement heureux de me retrouver au centre de cet environnement et de ces éléments que j'affectionne tant. Les arbres, la brume, le soleil levant et la nature qui offre ses beautés à qui veut bien les voir. J'étais de retour, je respirais, je créais et en l'espace d'un début de matinée, de nouvelles envies d'expositions, de photos et de partage naissaient en moi.
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