Savez-vous combien de mots compte la langue française ? Assez étonnamment, il semble difficile de les comptabiliser de manière précise, mais une recherche rapide sur internet donne une fourchette, assez large, comprise entre 60.000 et 100.000 mots. Sachant qu'un adulte en connait environ 30.000, qu'un adolescent seulement 6.000, et qu'on en utilise en outre qu'une petite partie, force est de constater qu'il existe un gisement largement inexploité et qu'on pourrait facilement agrémenter nos conversations de mots poétiques, désuets, charmants ou percutants permettant d'exprimer de manière beaucoup plus précise ce que l'on ressent ou ce que l'on veut dire.
C'est d'ailleurs un réel plaisir que de trouver "le" terme qui convient parfaitement à une situation donnée, le mot qui signifie, dans ses moindres détails, exactement ce que nous avons en tête. Au point que certains vocables sont parfois difficiles à traduire simplement, tellement leur signification est précise et embrasse des nuances fines.
La vie étant un éternel recommencement, mon adolescente de fille utilise des mots qui ne sont pas de ma génération, de la même manière que j'ai utilisé, avec mes parents, des expressions qui ne leur étaient pas familières. Dans les deux cas, les adultes ont du mal à saisir la signification exacte des mots en questions. Par exemple, j'avais beaucoup de difficultés jusqu'alors à comprendre le sens du mot "seum". Avoir le seum... J'ai compris que le mot signifiait grosso modo être dépité, dégoûté, énervé... mais à chaque fois que j'essaie de l'utiliser, dans une volonté sans doute un peu ridicule de ne pas paraître complètement dépassé aux yeux de ma fille, j'avais l'impression de ne pas avoir totalement saisi le sens intrinsèque du mot, et je l'employais dans des circonstances qui ne convenaient pas véritablement.
J'ai vécu ce matin une situation qui m'a beaucoup fait progresser dans la perception de ce mot. En cette période de confinement, que je respecte, et vu que je n'ai pas à me rendre chaque jour à mon travail puisque j'exerce maintenant à domicile, j'en profite pour sortir de la maison dès potron-minet pour mes balades traditionnelles en sous-bois. A 5h40, en plein milieu de la forêt, le risque de rencontrer des congénères, et par conséquent de pratiquer l'échange de virus est réellement limité. J'ai en outre la chance de pouvoir le faire dans un rayon de moins d'un kilomètre autour de la maison. J'ai donc décidé de monter un affût dans un chemin forestier ouvrant sur un champ, installant un siège pliant, le trépied avec l'appareil photo, des couvertures de camouflage, et en avant pour un long moment d'attente.
Il faisait encore nuit quand je me suis installé, et au fur et à mesure que le temps passait, la lumière augmentait et offrait à mes yeux ébahis un spectacle tout bonnement magnifique, sorte de carte postale de la balade matinale en forêt. Au bout d'un corridor de troncs et de branches, une porte lumineuse ouvrait sur un champ couvert de brume... c'était magique. Il ne manquait que la venue d'un chevreuil, d'un sanglier ou d'un renard pour rendre la scène tout simplement parfaite. Hélas, la faune locale était peut-être elle aussi confinée et restait invisible et inaudible, à l'exception notable des oiseaux qui concertaient à tue-tête ! Je décidai cependant de faire quelques photos de ce paysage, en profitant pour tester différents réglages pour retranscrire au mieux les beautés de la nature. Ce faisant, je remarquais le clignotement insistant de l'indicateur de charge de la batterie, indiquant que la panne était proche. J'optai donc pour la mise à l'arrêt de l'appareil et je repris mon attente.
Un petit quart d'heure plus tard, sur la gauche du chemin, un femelle chevreuil sortait du taillis et s'avançait pour paraître parfaitement à contre-jour au milieu de la trouée à travers les arbres. Je tenais LA photo ! Je basculai l'appareil en mode marche, et j'appuyai sur le déclencheur. A ce stade, je pense qu'il n'est nul besoin de faire durer le suspense inutilement. Bien évidemment, rien ne se passa. J'eus beau vérifier que le commutateur n'était pas resté sur OFF, j'eus beau appuyer et appuyer encore sur le déclencheur, j'étais à court de jus ! Le temps d'ouvrir mon sac, de prendre ma batterie de secours, de trouver dans la pénombre l'obturateur de la trappe de la batterie, la positionner et remettre l'appareil en fonction, l'animal avait passé son chemin et ne revint pas ! J'étais dégoûté, dépité, énervé ... pour le dire plus précisément, j'avais le seum !
Pas sûre de t’avoir envoyé mon commentaire. Je me souviens du matin où ‘j’ai reçu ta publication. Encore un pur bonheur de te lire de plus, au réveil. Annule et remplace toute la pénible actualité