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Photo du rédacteurGilles Buffet

Bénéfices inattendus de la non-intervention

Dernière mise à jour : 12 juin 2021

Dans ma prime jeunesse, ma conception du jardin était du genre interventionniste, ayant été élevé dans une famille, comme beaucoup en ces temps anciens, où la mauvaise herbe n'avait pas droit de cité et devait sur le champ, si j'ose dire, subir le triste sort de l'arrachage. De la même manière, les tontes étaient régulières et bien dégagées sur les côtés, à la façon des plus belles pelouses d'outre-manche. Las, le modeste terrain de notre maison bourguignonne n'est que peu propice à la pousse de quoi que ce soit, et dans nos premières années d'occupation, il me fallut me rendre à l'évidence : après deux ou trois tontes, le sol devenait vite aussi aride que le désert du Namib, et il fallait faire avec un sol craquelé jusqu'à l'automne.


Aussi, années après années, je commençai le travail de coupe de plus en plus tardivement de manière à profiter de la vigueur printanière et laisser les herbes folles et les pissenlits se développer comme bon leur semblait. J'étais devenu résigné, adepte de la non-intervention jardinière. Puis à notre grande surprise, des orchidées sauvages (orchis pyramidal - anacamptis pyramidalis) apparurent de ci de là, m'incitant à réduire encore plus drastiquement les interventions de la tondeuse, un monstre d'acier hérité de mon grand-père, capable de rabattre des buissons et de défricher les plus vils terrains.


Cette année, je poussai le bouchon un peu plus loin en laissant libre pousse à des graminées devenant au fil des ans plus vivaces, à des herbes devenant plus folles, dansant la gigue à la moindre brise, vrombissant et zonzonnant de bêtes à élytres, à antennes et à mandibules. Le jardin vivait et s'épanouissait, je m'économisais des efforts et quelques litres d'essence, participant ainsi à la protection de la biodiversité et à la lutte contre le réchauffement climatique dans un même mouvement de laisser aller.


Cependant, il faut parfois savoir siffler la fin de la récréation et j'avais prévu de remettre un peu d'ordre dans cette joyeuse anarchie hier après une bonne journée de télétravail. Conscient de la présence des plantes sauvages mentionnées plus haut, reconnaissables aisément à leur pyramide rose éclatant, je slalomais littéralement entre les fleurs, laissant ici et là des espaces insoumis, des lieux de résistance à la lame acérée du contrôle humain sur le vivant quand j'aperçus, entre la pergola et le lilas, une nouvelle espèce d'orchidée sauvage, discrète et magnifique dans sa livrée multicolore, un ophrys bourdon (ophrys fuciflora), qui pouvait enfin se développer après des années à se faire couper l'herbe sous le pied.


Même dans un jardin de lotissement, la nature peut se montrer résistante et revivre après des années de corsetage et de contraintes, leçon à méditer et qui devrait nous inciter un peu plus à pratiquer l'art difficile du laisser aller et de la non-intervention.

Une invitée bien improbable

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