Sens : Chacune des fonctions psychophysiologiques par lesquelles un organisme reçoit des informations sur certains éléments du milieu extérieur, de nature physique (vue, audition, sensibilité à la pesanteur, toucher) ou chimique (goût, odorat).
Ce que quelque chose signifie, ensemble d'idées que représente un signe, un symbole (Larousse)
Parking du Col de La Faucille – Jura – 11 février 2021 – 6h45
Je viens d’arrêter ma voiture sur un parking quasiment désert, inhabituel pour le lieu, mais sans doute pas pour l’heure. Trois hommes sont en train de s’équiper pour un départ en ski de randonnée et me donnent la preuve que je ne suis pas le seul illuminé à me lever dès potron-minet pour ce genre de sortie ! Le tableau de bord de mon véhicule indique une température de – 5°, ce qui n’a rien d’étonnant à plus de 1.300 m d’altitude. Autour de moi, un brouillard dense nimbe les bâtiments et les vitrines éteintes ; on dirait que l’obscurité va tarder à se dissiper. Les prévisions météorologiques annonçaient pourtant le beau temps pour ce jeudi matin depuis plusieurs jours, ce qui m’avait convaincu de parcourir les trente-cinq minutes de routes enneigées pour me rendre jusqu’ici. Au départ de Longchaumois, le temps semblait dégagé mais au fur et à mesure du trajet, la brume s’était densifiée pour se transformer en véritable purée de pois au pied du col, une fois passé le village de Mijoux. Je décidai de rester optimiste et de croire en ma bonne étoile, le bip du micro-ondes avait retenti au petit déjeuner au moment exact où le grille-pain relâchait les deux tranches de pain que j’avais mises à griller … il est des signes qui ne trompent pas et ce jour-là, tout allait se passer à merveille !
Sachant que le départ allait se faire de nuit, j’avais décidé dès la veille au soir le parcours exact à effectuer pour accéder au sommet du petit Montrond, situé à 1.532 m au-dessus du niveau de la mer. Nous étions venus en famille deux jours plus tôt et le brouillard, déjà, nous avais privé du panorama magnifique sur le pays de Gex, le lac Léman et la chaîne des Alpes dominant l’ensemble. Nous avions fait l’ascension en empruntant, depuis le parking, la piste de raquettes démarrant en direction du sud avant de bifurquer vers le nord en cours de montée pour atteindre l’antenne installée au sommet, puis de redescendre par les pistes de skis. Celles-ci avaient été quasiment désertées de leurs habituels occupants en raison de l’arrêt forcé des remontées mécaniques et étaient empruntées à la fois par des piétons, quelques skieurs et des luges. La période actuelle rend décidément possibles des choses qu’on n’aurait pas imaginées possibles il y a seulement un an. Ce matin, je ferais le parcours en sens inverse, coupant au plus court en acceptant des dénivelés plus importants pour atteindre le point culminant avant l’aube.
Dès l’ouverture de ma portière, le vent fit sentir sa morsure. Je m’équipai chaudement, laçai mes chaussures de marche, pris mon sac à dos et en avant pour l’aventure ! L’expérience de l’avant-veille m’avait convaincu que les raquettes étaient inutiles, mais les chutes de neige importantes du mercredi avaient laissé vingt bons centimètres de poudreuse. Il était de toute façon trop tard, je n’avais pas d’équipement, et je me dirigeai d’un pas résolu vers le pied de la piste.
Passé les dernières maisons et dès le début de l’ascension, je me rendis compte que l’obscurité de cette heure matinale couplée au brouillard dense réduisait la visibilité à néant, ou presque ! Je savais que la gauche de la piste, dans le sens de la montée, était jalonnée de panneaux indiquant la distance à l’arrivée, mais je ne les apercevais qu’au dernier moment et j’étais dans l’incapacité totale de voir, et même de deviner la présence du panneau suivant situé cent mètres plus haut. Je m’enfonçais dans la neige à chaque pas jusqu’aux chevilles et l’accélération de mon rythme cardiaque m’imposa rapidement de ralentir la cadence. J’avais parcouru plus de cinq-cents mètres depuis le départ et le jour semblait ne jamais vouloir se lever. A chaque pause, je regardais autour de moi, devinant à peine sur ma gauche la silhouette sombre des sapins recouverts de neige. Les seuls sons que je percevais étaient le souffle du vent et le bruit d’une dameuse en train de préparer une piste au loin.
Il ne me fallut pas plus de quarante minutes d’efforts pour arriver jusqu’au sommet. La gare de destination des télécabines émergeait du brouillard, silencieuse et glacée, bloc de béton gris qui n’était plus qu’une relique d’une activité touristique mise à l’arrêt par un virus. Au-dessus d’elle, sur la droite, on devinait une imposante construction abritant l’émetteur de télévision. L’antenne massive érigée sur le bâtiment était, elle, totalement invisible, perdue dans l’humidité du brouillard. Je retrouvai mes trois skieurs qui enlevaient leurs peaux de phoques avant de s’élancer à l’aveugle dans la descente. Bien que la luminosité commençât à augmenter, il semblait évident que l’apparition du soleil serait, au mieux, retardée et qu’il faudrait sans doute pas mal de temps avant qu’il ne perce la nébulosité. Redoutant d’attendre immobile dans le froid, je décidai de poursuivre à rebours le chemin emprunté deux jours plus tôt et de tenter de rejoindre le grand Montrond, un peu plus au sud. Je quittai donc le domaine skiable en contournant les constructions par le bas, et je m’aventurai alors sur une piste de neige vierge, ponctuée ça et là de traces d’animaux, m’enfonçant d’une trentaine de centimètres dans la poudreuse en suivant les piquets violets balisant le circuit.
… à suivre.
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