L'hiver est considéré comme la saison de la déprime et de la morosité. Le manque de lumière, le froid et l'humidité pèsent sur l'humeur des uns et des autres et l'on pense avec envie à l'été, au soleil et à la chaleur qui autorisent la libération des corps dans des tenues légères, le farniente et une certaine forme de relâchement. L'hiver, au contraire, c'est les films de Melville (voir ou revoir le Cercle Rouge) dans lesquels des flics et des voyous qui se ressemblent, portant cols roulés et fumant cigarette sur cigarette, se poursuivent dans des R16 et des Simca sous un ciel bas et gris, dans des paysages plats, ternes, sans joie, froids.
Mais l'hiver, c'est aussi, en principe, la saison de la neige, et malgré les contraintes qu'elle apporte lorsque l'on doit se déplacer, je ne peux pas m'empêcher de ressentir une joie profonde dès que les flocons se mettent à tourbillonner sous les nuages gris ! Cette attente est sans doute une réminiscence de l'enfance, quand cinquante centimètres de poudreuse constituaient un terrain de jeu idéal pour les mômes que nous étions. Les champs aux pentes plutôt sévères et aux noms mystérieux (les Chavonnes, Sur Thiers) se transformaient pour quelques mois en piste au fur et à mesure de nos passages, et à bord de notre bob en plastique rouge ou assis sur la luge qui avait été celle de nos parents, nous descendions à toute berzingue, passant de justesse entre les piquets de clôture et les quelques buissons qui dépassaient encore de la neige.
Après la descente, il fallait alors remonter la pente, traînant notre bolide avec peine, enfoncés dans la poudreuse jusqu'aux genoux, et nous recommencions jusqu'à l'épuisement. Les joues étaient rouges, les mains brûlantes d'avoir eu trop froid. Il était alors temps de rentrer à la maison pour boire un chocolat chaud et reprendre des forces avec des tartines de beurre.
Ces souvenirs se sont sans doute embellis au fur et à mesure que le temps a passé, aidés par le vernis brillant de la nostalgie, mais l'image est tenace et je garde pour cette saison un attrait particulier. Malheureusement, les champs sont aujourd'hui de moins en moins enneigés et les gamins ont de toute façon sans doute mieux à faire.
Comments