Ce dimanche de mi-novembre, le jour semblait ne jamais vouloir se lever. Il était déjà plus de sept heures trente du matin et derrière les vitres du salon, l'obscurité était encore totale. Dans la rue, les ampoules des lampadaires diffusaient une lumière faiblarde, absorbée immédiatement par la brume dense en créant des halos fantomatiques. La région Est de Dijon, de la proche périphérie de la ville jusqu'à la vallée de la Saône, s'étendant au-delà de Pontailler en direction de Gray, est réputée pour ses journées d'hiver où le brouillard règne en maître, parfois plusieurs semaines durant. Ces jours-là, tout semble nimbé de coton humide et froid, et même les chants d'oiseaux nous parviennent comme étouffés. Les journées s'étirent alors en longueur tant il est difficile de percevoir l'avancée du soleil dans cette luminosité égale et morne.
En résumé, toutes les conditions semblaient réunies pour passer une superbe journée !
Malgré une volonté d'acier, j'avais décidé de reporter quelque peu ma traditionnelle sortie matinale et je restai un peu plus que de coutume devant la cheminée. Le chat semblait apprécier ma présence et il ronronnait à mes côtés, quémandant de temps à autre une caresse. Cependant, vers huit heures trente, une légère augmentation de la luminosité sembla indiquer une évolution des conditions atmosphériques. Je m'équipai donc chaudement, remplis mon attestation de sortie et pris la direction habituelle des étangs. L'herbe était couverte de givre. Il avait gelé pour la seconde fois de la semaine et nous entrions petit à petit dans l'hiver. La forêt était silencieuse et seul le cri d'un geai, jouant son rôle habituel de sentinelle, vint troubler la tranquillité des lieux. Les feuilles récemment tombées au sol ne crissaient plus guère sous les pas et elles cédaient petit à petit leurs couleurs chatoyantes pour des bruns plus ternes.
Après cinq minutes de marche rapide, je commençai un peu à me réchauffer. Au-dessus des plans d'eau, une brume s'élevait et courait paresseusement à la surface, poussée par une légère brise d'ouest. J'avais peu d'espoir de la voir s'illuminer avec le soleil levant puisque celui-ci avait visiblement décidé de rester caché. Un héron s'envola à mon arrivée, lançant son traditionnel cri de désapprobation. Il tourna sur la droite, repassa au-dessus de moi et disparu derrière la cime des arbres. Un groupe de canards, moins craintifs, traversa un étang en barbotant et alla rejoindre, sur la rive opposée, une aigrette dont le blanc se détachait sur la végétation. L'ensemble, nimbé de brouillard, était d'une quiétude absolue. Les marcheurs matinaux que j'arrive à croiser de temps à autres avaient visiblement décidé de faire la grasse matinée, découragés peut-être par ces conditions froides et humides. Je poursuivi mon parcours en traversant à nouveau une portion de forêt, le temps de voir passer furtivement un groupe de trois chevreuils. La chasse avait ré ouvert et j'espérais qu'ils ne feraient pas de mauvaises rencontres.
Petit à petit, le disque d'un soleil blafard commença à apparaître à travers le brouillard alors que j'approchais à nouveau d'un plan d'eau, et son image se reflétait discrètement à la surface. Les dernières semaines, l'automne avait été triomphant, jetant ses derniers feux d'artifice avant la saison froide, comme un pied de nez à la marche inéluctable des saisons, et en quelques jours, les arbres avaient cédé leurs couleurs tonitruantes pour des tons plus discrets, comme si les feuilles qui restaient encore accrochées avaient été délavées. Les silhouettes apparaissaient maintenant tout en nuances et en subtilité, les tons étaient plus doux, plus discrets, et l'ambiance avait changé totalement. Le paysage que j'avais devant les yeux dégageait une profonde nostalgie, une sérénité accompagnant formidablement bien le silence de cette matinée grise.
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