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Photo du rédacteurGilles Buffet

Le vieux chêne, le photographe et le chien

Il y a environ deux ans de cela, alors que j’intensifiais ma pratique de la photographie, j’ai cherché une manière de profiter des atouts du numérique me permettant d’accéder à mes meilleures images quel que soit l’endroit où je me trouvais. L’idée était d’utiliser ce qu’on nomme maintenant le nomadisme ou la mobilité, et de mettre à profit le couteau Suisse moderne qu’est devenu le téléphone portable pour satisfaire un besoin un tantinet narcissique de pouvoir montrer à mes proches mes réalisations. J’avais besoin d’un moyen de stockage virtuel, mais mes recherches sur la toile m’orientèrent vers un outil apparemment prisé des photographes s’appelant Flickr.


Plus qu’un simple « cloud », l’outil s’apparente en fait à un réseau social spécialisé pour les photographes en version numérique où la « communauté » partage ses créations et apprécie, ou pas, celles des autres. Je ne suis pas très adepte de ce genre de média qui ont prouvés récemment combien ils pouvaient se révéler nocifs, mais après une phase d’appropriation rapide, j’ai pris mes marques et j’ai pu à la fois profiter de mes photos, mais aussi de superbes images prises un peu partout à travers le monde. De l’Allemagne au Québec, du Japon au Portugal, un réseau de « connaissances » se créé et l’on arrive après quelques temps à reconnaître un style, une touche propre à certains photographes.


Et puis un jour, parmi les millions de photographies postées quotidiennement à travers le monde, une image attira mon attention. Il s’agissait de la photo d’un arbre, à priori un vieux chêne, positionné élégamment au sommet d’une colline surnageant d'une mer de brume. Non seulement cette photo était très belle, mais cet endroit me semblait parfaitement familier et en cherchant dans les détails mentionnés par l’auteur, j’ai pu confirmer que ce cliché représentait bien un chêne et que la photo avait été prise dans un lieu nommé Montmain.


Aussi loin que remonte ma mémoire, j’avais toujours connu cet arbre au sommet de ce promontoire dominant une combe jurassienne dont le fond est recouvert partiellement d’une tourbière. Ce coin du Jura m’est particulièrement cher car situé à quelques centaines de mètres du lieu de naissance d’une partie de ma famille, et j’en avais une représentation sous les yeux, dans un réseau de plusieurs milliers (millions ?) d’individus publiant leurs créations à travers le vaste monde.


Intrigué, j’ai commencé à regarder les autres publications de son auteur, un dénommé Léon, et cet arbre revenait fréquemment dans sa photothèque. Un chien aux yeux hétérochromes posait sur une partie des photos. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais lors d’un passage automnal sur ce petit morceau de planète, alors que je photographiais les splendides couleurs des bouleaux de cette tourbière, j’entendis une clochette, portée par un chien dont un œil était noir, l’autre bleu. Pas de doute, il s’agissait bien de la dénommée Jiga, suivie de près par Léon, son photographe de maître. Le chien fût un prétexte facile pour entamer la discussion, et après les présentations d'usages, nous prîmes le temps de discuter en tête à tête après avoir échangé par internet interposé, dissertant sur la beauté de ce bout du monde, de ce chêne que lui-même avait toujours vu, dominant, de sa position privilégiée, cette combe sujette à la brume matinale, à la neige et aux vents, à la rigueur du climat jurassien. Nous parlâmes de photographie, de notre passion pour la nature et pour les belles lumières, de tourbières et de cet automne qui était décidément si beau.


Le temps d’une conversation, j’ai eu devant les yeux le vieux chêne, le photographe et le chien.


Quelques semaines plus tard, le vieux chêne en hiver

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