Août 2017, désert du Namib. Il est six heures du matin et l'air vif de la nuit se fait encore mordant. A l'est, la luminosité grandit de minute en minute et l'horizon attend le lever d'un jour qui s'annonce sans un nuage, comme c'est invariablement le cas sur cette terre aride. En quelques secondes une boule de feu apparaît derrière les montagnes de sable et de roches rouges et s'élève régulièrement dans le ciel. En un instant, ce phare fait naître des ombres qui soulignent les contours du relief. Le paysage se transforme sans cesse pendant la demi-heure qui suit et dans l'immensité de ce désert minéral, quasiment vierge de toute trace humaine à l'exception de quelques routes tracées comme à la règle et de villages disposés ça et là sur des territoires immenses, je profite de cette aube, du silence et de la majesté de ce spectacle répété des milliards de fois depuis que le monde est monde.
De cette expérience initiatique, j'ai gardé une attirance particulière pour ces heures précoces qui constituent une charnière entre la nuit et le jour et si, techniquement, la qualité de la lumière est comparable à celle de la fin de journée, ma préférence va clairement aux laudes plutôt qu'aux vêpres. Ces heures matutinales sont sans doute moins en accord avec notre rythme biologique habituel, demandent un effort que leurs cousines de l'après-midi ne nécessitent pas, mais pour moi, malgré la volonté qu'il faut parfois déployer pour quitter la couette et aller parcourir la campagne, il n'y a, si j'ose dire, pas photo !
Pour le photographe que je suis, les atouts de l'aube sont nombreux. Tout d’abord, la fraîcheur relative de la nuit peut générer même en été des bancs de brume ou de brouillard propice à créer des ambiances mystérieuses, à sublimer une combe ou faire ressortir les rayons du soleil à travers les branches. C’est la garantie d’un supplément d’âme sur une image. L'air matinal est plus clair aussi, moins chargé des poussières saturant l'air chaud des fins d'après-midi.
Ensuite, c’est surtout à ces heures de début de journée, alors que les chemins n’ont pas encore été empruntés par les promeneurs, que les rencontres avec les animaux sauvages sont les plus fréquentes. Même s’ils ne sont pas le but de ma sortie et même si je ne leur tire pas le portrait, chaque rencontre est spéciale et m’apporte une vraie satisfaction. Croiser un groupe de quelques chevreuils, apercevoir un renard en chasse au mulot ou suivre la course rapide d’un lièvre sont autant d’instants magiques dont je ne me lasse pas.
Pour finir, et c’est peut-être là le plus important, l’aube est une naissance, le départ de quelque chose de nouveau et j’ai très souvent le sentiment d’avoir empli ma journée de l’essentiel alors que sept heures du matin n’ont pas encore sonné. Le moment précis où un paysage s'éclaire est la plupart du temps spectaculaire, et même si une transition douce s'opère entre la nuit et le jour, en quelques instants, la transformation est plus profonde et la magie opère, presque à chaque fois.
Je me souviens du temps pas si éloigné de ma jeunesse, où les lueurs naissantes à l’horizon accompagnaient plus souvent mon coucher que mon lever. Un sentiment curieux m’étreignait alors, comme une urgence pour aller chercher un peu de repos que je savais bref. A contrario, lorsque le jour naît et que je peux en profiter pour débuter ma journée, une sorte de plénitude m’envahit, j’ai le temps pour moi et dans cette vie où tout doit aller vite et où l’horloge nous guide et nous malmène, c’est un luxe dont je profite bien volontiers.
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