"Disposition d’esprit qui pousse à fuir la société " Petit Larousse illustré
Hier soir, une amie nous disait qu’en ces temps de pandémie elle avait entrepris de relire « La peste » d’Albert Camus. L’auteur pointe dans son livre le fait que les crises révèlent deux faces de la nature humaine, la meilleure comme la pire. L’épidémie que nous traversons actuellement ne déroge pas à la règle. Nous avons d’un côté des soignants qui, après nous avoir largement alertés sur l’état de délabrement de notre système de santé, déploient une énergie phénoménale et au péril de leur propre intégrité pour soigner les malades, toujours plus nombreux. Nous avons de l’autre côté des incivilités qui se multiplient un peu partout, au sujet de tout et surtout de n’importe quoi.
Ici, une femme filmée au sortir d’un supermarché, décoiffée et les yeux légèrement hagards, tel le sportif en manque de lucidité après avoir tout donné dans le sprint final, déclarant : « j’ai pris n’importe quoi » devant un caddie débordant de marchandises. Là, l’intervention de la gendarmerie de Haute-Saône pour séparer, dans un supermarché toujours, des belligérants qui devaient peut-être s’invectiver et s’étriper pour deux douzaines de rouleaux de papier toilette ou pour trente paquets de tortellini au pesto, allez savoir … Il s'agit là de comportements caricaturaux, certes, et s'ils n'étaient pas totalement pathétiques, ils prêteraient sans doute à rire, mais les exemples sont malheureusement nombreux et je crains qu’au final la balance soit déséquilibrée.
Au-delà de l’épidémie qui sature aujourd’hui l’ensemble de nos canaux d’information, la crise écologique qui menace de nous frapper représente sans aucun doute une menace plus grande encore pour notre société. Les conséquences seront plus graves et surtout plus durables. Dans son livre "Notre existence a-t-elle un sens ?", Jean Staune, chercheur et essayiste, note que la vie a pu se perpétuer depuis son apparition sur terre, il y a près de quatre milliards d’années, sans générer le moindre problème de gestion des déchets. Il dit à plusieurs reprise que "la nature n'a pas de poubelle" et c'est un fait que l’intégralité du vivant a pu se recycler sans stockage, sans incinération, sans enfouissement depuis la nuit des temps. Les choses ont radicalement changé depuis la révolution industrielle et le début de la fabrication manufacturée.
Si nous avons emprunté, à un moment de notre histoire une mauvaise route, nous savons désormais que poursuivre dans cette direction ne mènera nulle part, et si l’ignorance peut constituer une excuse, un alibi, on peut de moins en moins l’invoquer. Je suis frappé de constater, lorsque je parcours la nature, du contraste saisissant entre la beauté du vivant et ce que nous sommes capables d’en faire. Nos déchets envahissent l’espace au propre comme au figuré, et même si j’ai la chance d’habiter dans une région privilégiée, il est peu d’endroits où les papiers, canettes et autres sacs plastiques sont absents. Je peux à la limite comprendre qu’on puisse oublier un déchet, ou que le vent l’emporte sans qu’il y ait intention. En revanche, certains comportements manifestement volontaires me plongent dans une perplexité totale et une colère noire. Il y a peu de temps encore, je découvrais en bordure de forêt les reliques d'un baby foot !
J’ai pris le parti de montrer jusqu'alors, à travers mes photos, la beauté du monde qui nous entoure. Ce dimanche un peu maussade est l’occasion ou jamais de faire une exception à la règle et de travailler ma misanthropie.
Salut Gilles.
Comme d'habitude, je bois tes paroles. Ta photo illustre parfaitement la césure que l'homme a entrepris avec son milieu naturel, donc avec lui même.
Comme ton amie, j'envisage de relire la peste de Camus, un de mes auteurs préférés.
Nous allons traverser des moments difficiles. J'espère juste que cette crise accouchera d'une prise de conscience individuelle et collective nous permettant de changer durablement notre rapport au monde et aux autres. De nous recentrer sur ce qui est essentiel, à savoir le respect de soi, des autres et de notre environnement. De réapprendre à ralentir, à habiter d'avantage l'ici et maintenant. De développer notre sollicitude envers les plus vulnérables. De prendre le temps d'aimer. De tourner le dos au…
Sujet grave, triste, laid mais c’est la réalité. Texte magnifique
🙂
Coucou Gilou,
Redis moi, c'est quoi ton boulot ????