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Photo du rédacteurGilles Buffet

Mon paysage est sans ciel.

Je ne sais pas vraiment expliquer comment la pratique de la photographie est passée du statut de simple passe-temps à celui d'activité nécessaire à mon équilibre intérieur, de besoin quasiment viscéral. Par un encrage lent et continu, par la multiplication des discussions avec d'autres photographes, par le partage de mes images et de mes textes puis par l'arrivée de projets d'expositions, la photo est devenue au fil du temps quelque chose qui me définit partiellement.


Je suppose que le doute est inhérent à toute activité de création et je me trouve plongé régulièrement dans des abimes de perplexité, m'interrogeant fréquemment sur ma capacité à faire des images ayant du sens, sur ma capacité à me renouveler et à trouver une voix dans un monde où le numérique a transformé chaque possesseur de smartphone en photographe permanent. Internet offre un flot continu et démesuré sur la production artistique, qu'elle soit photographique ou non, et trouver un minimum d'originalité est devenu une gageure.


Un adage veut que "quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console". En l'espèce, la comparaison est un piège qui attire comme un aimant vers une forme de plagia au risque de perdre son propre filon. Ici, la recherche d'originalité est une quête quasiment perdue d'avance et s'il est difficile de s'extraire totalement d'une forme d'inspiration plus ou moins consciente, il me semble impératif de tracer un sillon dans lequel je me sens à mon aise et de produire des images qui me ressemblent et qui m'inspirent plutôt que de faire des photos qui ressemblent à celles des autres, fussent-elles de qualité.


Je me définis comme un photographe de paysages, mais le domaine photographique que je pratique n'en détermine pas pour autant un style. J'ai réalisé presque par hasard un lien pourtant évident qui reliait une bonne partie de mes images. Lors d'une exposition où je présentais une trentaine de photos, je me suis aperçu qu'une majorité de mes paysages, de manière contre-intuitive, ne présentaient pas de ciel. Cette absence crée des ambiances douces en minimisant le contraste issu de la forte luminosité de l'azur. Il en résulte des images empreintes d'une forme de nostalgie, de sérénité, une poésie distillée par la nuance des tons, les jeux de lumière à travers les feuilles et une subtilité esthétique que je recherche. Comme monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, j'avais trouvé un style presque à mon insu, en laissant tout simplement s'exprimer mes émotions.



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