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Photo du rédacteurGilles Buffet

Mystique forestière.

Quel que soit notre rapport à la foi, nombreux sommes-nous à visiter les églises et cathédrales non seulement pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire un lieu de culte, mais aussi pour admirer les prouesses architecturales dont l'homme a su faire preuve dans des temps immémoriaux, pour les productions artistiques majeures qui y sont concentrées et pour ce sentiment particulier que l'on ressent parfois lorsqu'on est confronté à plus grand que soi. Le silence qui règne en principe dans les petites chapelles comme dans les cathédrales les plus spectaculaires, pour peu que l'on évite les points de passages incontournables des tour-opérateurs charriant des hordes de touristes braillards entre une visite express au Louvre et un après-midi à Disneyland, la lumière tombant du ciel à travers les vitraux, la hauteur des piliers et des voûtes, tout concourt à rendre le lieu à la fois impressionnant et propre à la méditation. Je me suis souvent assis sur un banc au milieu d'une nef en m'imprégnant de ce que l'endroit pouvait dégager, en constatant l'influence du milieu dans lequel on se trouve sur notre ambiance intérieure, que l'on adhère ou pas à la doctrine, qu'on accepte ou pas les postures souvent rétrogrades des vieillards cacochymes qui dirigent l'institution.


J'ai fait très récemment une expérience similaire et presque troublante au cœur d'une forêt, alors que je remontais un chemin de débardage et que sept heures du matin n'avait pas encore sonnées. Une large allée rectiligne courait entre les fûts de chênes et de hêtres, tels des piliers dressés vers le ciel dans leur course à la lumière. La similitude avec une rangée de colonnes corinthiennes ornées de lierre était frappante. Les pluies de la veille avaient fait monter le taux d'humidité et ce petit matin baignait dans une brume plutôt rare pour un mois de juin. Le soleil, déjà assez haut dans le ciel, perçait cette ouate et l'on voyait les rayons guidés comme à travers des verrières, descendant dans cette nef végétale. Dans ce vaisseau, nulle résonance de mes pas sur le pavement, mais les chants d'oiseaux se répondant donnaient l'impression de rebondir sous la voûte constituée par les branches, plus de vingt mètres au-dessus du sol. La ressemblance avec une église était frappante, j'étais dans une cathédrale verte, et je ressentis un sentiment identique à celui que j'avais pu avoir en remontant l'allée principale de Saint-Louis des Français, à Rome.


Je ne suis pas urbaniste et n'ai aucune connaissance en la matière, mais je suis convaincu de l'influence que peut avoir la nature sur notre humeur, et plus généralement sur la capacité de l'environnement dans lequel on vit à créer des conditions favorables à l'introspection, à la réflexion et au calme, ou au contraire à l’agressivité, à la colère et au mal-être. La nature est, cela me paraît évident, un catalyseur de sérénité et d'apaisement. Les conditions de vie dans des zones bétonnées, où le vert à quasiment totalement disparu, ne peuvent mener qu'à la violence et, au sens propre comme au figuré, au déracinement. D'autres facteurs existent bien évidemment, comme la concentration, les conditions économiques ou le rejet des populations, mais l'absence totale d'arbres, d'oiseaux, de silence, me serait totalement insupportable.



Au cœur d'une nef sylvestre


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