Alors que nous sommes enjoints de nous claquemurer depuis à peine plus d'une semaine pour éviter la propagation de l'épidémie et faire oeuvre ainsi de salubrité publique, cette invitation de comptine paraît déjà décalée, incongrue. Cet état de confinement nous était jusqu'alors inconnu il y a peu, mais les quinze derniers jours ont d'ores et déjà profondément bouleversé notre référentiel, remis à zéro les compteurs de nos habitudes. La simple vue, sur de vieux films ou publicités d'avant la crise (du mois dernier par exemple, ce qui semble une éternité), de personnes s'embrassant et se côtoyant nous interpelle... gare à la contamination ! La remise à zéro a été aussi brutale qu'elle était inattendue. Prenez garde non au loup, mais au virus.
Nous devrons donc remettre à plus tard les promenades forestières et rester chez soi le temps que passe le danger, mais quelle belle promesse pour le retour des jours de liberté retrouvée ! Sentir le parfum du sous-bois. Champignons, humus, mousses et, selon la période, fleurs de muguet ou d’acacia. Le long de notre parcours, on sait à coup sûr que l'on passe à proximité de quelques pins qui nous font profiter de leur fragrance reconnaissable entre mille.
Fermer les yeux et percevoir le jeu des rayons de soleil à travers la végétation, dansant sur nos paupières closes. La lumière est douce, vert tendre, vert foncée ou dorée selon la saison. Les ombres jouent avec le relief, les troncs, les murs moussus. Au détour d'un chemin, si vous êtes attentifs, vous pourrez repérer un lièvre détalant à votre arrivée. Fermer les yeux, encore, et écouter...
La brise fait chanter les jeunes feuilles, choquer et résonner les branches qui se balancent. Le martèlement sonore d'un pic, sur un vieux tronc à droite, répond à un de ses congénères, un peu plus loin sur la gauche. Les trilles et les modulations d'une kyrielle de piafs, mésanges, rouges-gorges, pinsons des arbres, merles et grives, geais ayant la mauvaise habitude d'alerter l'ensemble de la faune alentour de notre présence, font un concert en autant de langages. Appel à l'amour, déclaration martiale de possession territoriale (ici, c'est chez moi) ou chant juste pour le plaisir, allez savoir ? En été, bourdonnement incessant de millions d'insectes vrombissants entre les troncs. Parcourir les chemins, faire craquer les brindilles ou croustiller les feuilles de l'automne dernier ... marcher silencieusement relève de la gageure. Je vous invite aussi à tenter une expérience absolument merveilleuse, écouter sous le couvert d'un arbre le début d'une averse ! Vous pouvez ranger votre matériel de méditation et votre application de zen attitude, tout est là, tout simplement.
Les sens sont à la fête ! Après l'odorat, la vue et l’ouïe, passons la main sur le tronc des arbres. La rugosité de l'écorce du chêne contraste avec la douceur du hêtre, les aiguilles piquantes du pin ou de l'épicéa tranchent avec celles des sapins qui font des chatouilles au creux de la paume.
Je ne sais pas vous, mais rien que d'en parler j'ai envie d'y être, alors donnons-nous rendez-vous, et promenons-nous dans les bois !
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