Je suis un pur terrien, fixé au sol par des racines ancrées dans la moyenne montagne, à flanc de coteaux ou au plus profond de la forêt, issu d’une lignée de femmes et d’hommes ayant travaillé la terre pour y trouver leur subsistance, comme la plupart d’entre nous.
Au contraire, ma relation avec l’eau est contrariée. Le plancher des vaches a quelque chose de rassurant et il offre une stabilité que le monde de la mer ne garantit pas. Je suis un piètre nageur, peu à mon avantage sur un bateau, même par temps calme. Cependant, l’océan me fascine et exerce sur moi une attirance magnétique, peut-être issue de lectures relatant les aventures de marins au long cours, partant pour des océans hostiles, des îles inconnues entourées de récifs prompts à fracasser les coques des navires, sur des eaux infestées d’un bestiaire monstrueux, de tentacules et de dents inhospitalières.
Les récits des courses hauturières en solitaire me remplissent d’une admiration sans bornes pour ces hommes et ces femmes, réels aventuriers s’il en reste, se lançant dans un tour du monde les amenant sous des latitudes peu fréquentables, quasiment vides de toute présence humaine, où la mer est hachée par des vagues démentielles, sous des bourrasques incessantes.
Je n’aurai sans doute jamais l’occasion de rencontrer ces conditions dantesques, mais la mer a la particularité de présenter une multitude de visages. Si les littoraux que je visite sont la plupart du temps les lieux de villégiature des familles, avec plage, enfants, des cris et des jeux dans une eau bleue clair, limpide et rafraîchissante, j’ai également en tête les images des masses d’eau en furie projetant leur écume à l’assaut des phares et des côtes bretonnes. Combat ancestral de la pierre contre l’eau, où le vainqueur est invariablement connu d’avance !
Il est peu de milieu aussi divers. La montagne ne trompe pas son monde, elle se dresse de toute sa hauteur, ses sommets et ses pics lançant un défi aux plus audacieux, se revendiquant barrière infranchissable, limite austère et froide, frontière entre les peuples. Le désert affiche son aridité, avertit le voyageur que sa traversée sera redoutable et périlleuse, qu’il va falloir souffrir et se battre pour survivre sous les assauts du soleil ou du vent au royaume de la soif et des étendues sans fin. L’océan est tout à la fois, paradis et enfer, parfois en un même lieu.
A chaque fois que j’en ai l’occasion, cette attirance me pousse à la photographier, encore et encore. J’essaie notamment de traduire par l’image le sentiment mélancolique que suscite la plage le matin avant le lever du soleil, à l’heure où le sable est encore désert et où les châteaux de sables n’ont pas encore été érigés. La pause longue marque le temps qui passe et créé en moi un sentiment de nostalgie profonde. Minimalisme absolu, sujet identique et cependant, chaque image est unique !
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