La frustration commençait à me gagner !
Alors que l'automne 2019 avait été une succession d'aubes rayonnantes, de fin d'après-midi flamboyantes mettant en valeur les couleurs saisonnières, 2020 semblait décidément vouloir tenir à sa réputation d'élève dissipé et incontrôlable, peu enclin à respecter les usages et les habitudes. Certes, la pluie était plus que jamais nécessaire et je ne pouvais pester contre ce ciel bas et ces averses tant attendues, mais depuis trois semaines et une sortie vespérale en bord de Saône, mon appareil photo restait, à chaque balade, presque systématiquement au fond du sac à dos.
Les rares tentatives de prises de vue, faites plus par bravade que par conviction et comme pour conjurer le sort étaient vouées à l'échec ! La lumière était trop plate, triste et les rares photos prises terminaient lamentablement et inévitablement leur existence dans la corbeille de mon ordinateur. Mes promenades matinales conservaient leur dose de plaisir et je continuais à apercevoir au détour des chemins parcourus, là un renard, ici un groupe de chevreuils, mais il fallait se rendre à l'évidence, j'étais devenu météo dépendant et les conditions barométriques, anticycloniques ou dépressionnaires étaient contre moi et à même de museler ma créativité, de bloquer mon moyen d'expression favori, maudit que j'étais !
Durant ces semaines de disette, la brume n'était pas assez présente, le soleil promettait de temps à autres un lever en fanfare qui se terminait invariablement en pétard mouillé, caché par un banc de nuages trainant à l'horizon plus que de raison, les lumières étaient fades, et mon moral descendait jour après jour un peu plus au fond de mes chaussettes.
Ce matin, avant de passer la journée en télétravail, je décidai d'effectuer un tour matinal aux étangs, l'horizon semblant pour une fois dégagé. Nous étions encore loin de l'heure du lever du soleil, mais l'air vif de cette mi-octobre était de nature à satisfaire le promeneur matinal que j'étais, à ouvrir l'esprit aux mystères du monde et à balayer les mauvaises nouvelles qui se succédaient à un rythme forcené dans les médias ! Faire fi des inondations, du COVID, des masques, du couvre feu et des taux d'incidence dans la population de plus de soixante-quinze ans, profiter de la chute des feuilles, du vent dans les branches et du chant des oiseaux.
Arrivé en bord d'étang, je me positionnai le plus proche possible du niveau de l'eau et je profitai d'un effet miroir exceptionnel ! Les branches des arbres situés sur la rive opposée se détachaient dans le ciel clair et un étroit croissant de lune se reflétait à la surface calme du plan d'eau. Un ragondin traversa l'espace en silence, troublant à peine, et pour quelques instants, la quiétude du lieu avant de disparaître dans les buissons au bord du bassin. Je profitai à plein du moment avant de sortir mon appareil pour faire quelques photos. Une fois de plus, le lever de soleil se fit sous un voile de nuage ! Il était temps de rentrer, mais j'avais potentiellement quelques images intéressantes, enfin !
Dans la photo retenue pour illustrer cet article, l'effet gravure est renforcé par le traitement en noir et blanc qui accroit également le côté graphique et symétrique de l'image, présentée en format carré
Toujours un régal.