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Photo du rédacteurGilles Buffet

Terre brûlée.

A quoi fallait-il s’attendre ? Depuis le 13 août 2022 et les annonces sur les chaînes nationales de feux de forêt dans le Jura, j’avais envie d’aller dans les bois décimés pour pouvoir me rendre compte in situ des dégâts causés par les incendies. Sachant que les zones touchées étaient dangereuses et, pour la plupart, interdites à la circulation des véhicules comme des piétons, je ne voulais pas m’y précipiter, conscient qu’il fallait attendre le bon moment pour y aller. Quelques mois plus tard, un jour de 11 novembre propre à se remémorer les catastrophes, je profitai d’un week-end prolongé pour pouvoir me rendre au pied du barrage de Vouglans, lieu le plus abimé par les flammes. Ce que j'y ai vu n'était d'ailleurs pas sans rappeler les terres dévastées de la première guerre mondiale !


Avant l’aube, une brume assez épaisse recouvre le village de Menouille et la forêt alentours, ou plutôt ce qu’il en reste. J’empruntai à pied une route forestière toujours interdite au passage des voitures, et je m’enfonçai au cœur de la région dévastée. La route serpente en s’élevant au-dessus de la vallée de l’Ain, et ce qui me frappa le plus n’était pas les squelettes calcinés des arbres restés encore debout, mais le sol mis à nu, révélant les couches de calcaire blanches qui tranchaient avec la noirceur des troncs. La vision de ces moignons d’arbres était un réel crève-cœur, le silence de cette forêt fantôme, lui, proprement assourdissant.


Pour les gens de ma génération, la mère de toutes les sécheresses reste probablement l’année 1976, comme si les mémoires avaient enregistré définitivement cette année extrême, mais depuis, l’impact des activités humaines sur le climat opérant son travail de sape, les records en tous genres tombent les uns après les autres, température, sécheresse, coups de vents, tempêtes et inondations. Les digues cèdent, et l’on en vient presque à s’habituer aux restrictions d’eau, inimaginables il y a trente ans à peine, devenant aujourd’hui monnaie courante, mais de plus en plus sévères, de plus en plus longues. Un feu de forêt dans le Jura semblait chose impossible, je crains cependant que le phénomène, qui demeure encore exceptionnel, ne se reproduise de plus en plus souvent.


Les incendies sont des phénomènes naturels, qui touchent régulièrement certaines régions du monde et qui sont même parfois nécessaires pour le développement de quelques espèces végétales. Durant mon passage dans ce paysage d’apocalypse, j’ai même pu voir, déjà, quelques feuilles qui repoussaient sur les troncs carbonisés. Pourtant, les annonces des disparitions d’espèces se succèdent et si l'on peut vivre dans un monde sans guépards, d’ores et déjà condamnés à l'horizon de la mi-siècle, si l'on peut sans doute se passer des gorilles, des éléphants et des girafes, l’absence de toutes ces espèces, combinée à la disparition programmée de nos forêts, assaillies sous les coups de butoir d’une météo devenue incontrôlable, n’augure rien de bon.



Désolation - photo couleur (!)

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1 Comment


Beaucoup de plaisir à lire tes textes si bien écrits. Cette fois, le sujet est désolant. Cependant quelques feuilles apparaissent. Et la nature vaincra même au prix de la disparition de certaines et de trop d’espèces.

Merci pour ce beau documentaire

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