Vendredi 4 décembre 2020 : sur la route qui conduit de Gray au Jura, je viens de dépasser Lons le Saunier et une fois franchi le Revermont, la neige commence à garnir les bas côtés de la route. D'après le calendrier, nous n'avons pas encore atteint le solstice et nous sommes donc, d'un point de vue astronomique, toujours en automne, mais les premières offensives hivernales sont bel et bien là, un peu en avance même par rapport aux années précédentes. Arrivé à Clairvaux les lacs, l'épaisseur de neige devient un peu plus sérieuse et, une fois le lac laissé sur la droite, la route monte en virages dans la forêt. A chaque kilomètre, la hauteur de neige augmente avec l'altitude. Il fait nuit et les phares de la voiture balayent les bourrelets blancs laissés par les chasse-neige. Les branches des sapins s'abaissent sous le poids de leur fardeau, renforçant encore l'impression de s'enfoncer dans des profondeurs inhabitées, désertées, froides. Sur le chemin, un renard traverse la route quelques dizaines de mètres devant mes roues, et un peu plus loin, je m'arrête complètement pour regarder un sanglier qui m'observe quelques secondes avant de retourner dans le bois. Enfin arrivé à destination, je vois que le ciel s'est éclairci après les précipitations de la journée. La nuit promet d'être froide et demain matin devrait offrir un superbe spectacle.
Comme à l'accoutumée, je suis réveillé bien avant qu'il ne fasse jour. Nous sommes tout près des nuits les plus longues de l'année et je peux prendre mon temps avant de sortir du lit, le soleil ne devrait pas apparaître avant 8h30... A sept heures, je m'habille chaudement, vérifie mon matériel et sort dans le froid sec, vif, tranchant comme une lame. Après avoir gratté le pare-brise, je démarre la voiture et je m'engage sur la route enneigée en direction de Montmain. Le hameau domine le village du haut de ses 900 mètres d'altitude. Je me gare au bout de la route et je suis accueilli par deux chiens à ma sortie de voiture. J'espère qu'ils ne réveilleront pas les quelques habitants résidant ici à l'année. Le sol est recouvert d'une bonne trentaine de centimètres d'une belle neige. Je m'engage dans le chemin de la grange Dromier qui descend à travers la forêt en direction de la combe et de la tourbière qui fait mon bonheur de photographe. Le ciel est limpide, les arbres sont chargés de neige et tout est frais, propre, vierge comme au premier jour. Quelques oiseaux chantent malgré le froid et j'avance dans la forêt en profitant du spectacle magique qui m'entoure.
Je suis heureux, sans aucune restriction ! Il n'est pas encore huit heures et beaucoup dorment encore en ce samedi matin, mais je ne donnerais ma place pour rien au monde. L'air glace mes joues, mais habillé chaudement comme je le suis, je trouve la température agréable. Mes pas s'enfoncent dans la neige en faisant un bruissement caractéristique. Le chemin a été déneigé grossièrement pour pouvoir donner accès à la maison qui repose au fond de la combe. Arrivé en bas de la courte descente, le paysage s'ouvre sur la combe et comme je l'espérais, un voile de brume nimbe le fond de celle-ci. Le ciel commence à s'éclaircir et je sors mon appareil photo. Je fais une première série avant de m'avancer dans le pré libre de toute trace humaine. Un renard a zigzagué à la recherche de nourriture, mais à part lui, personne n'a encore foulé cette belle couche de poudre blanche. Le lever du soleil n'est pas encore pour maintenant et je vais profiter pendant plus d'une heure de moments spectaculaires, de la lumière croissante jouant avec la brume qui ondule et évolue au fond de la vallée et de la chance incroyable d'être là pour m'en émerveiller.
Magnifique !