Il était une fois trois petits cochons qui vivaient avec leur maman ... La suite est connue. Alors que deux petits cochons, cédant à l'oisiveté mère de tous les vices, se construisent respectivement des maisons de paille et de bois, le troisième frère travaille dur, bâtit une maison de briques qui se révèlera suffisamment solide pour résister au souffle puissant du loup, venu naturellement pour dévorer nos trois compères. La morale de l'histoire apparaît simplement ; le travail permet de se prémunir des aléas de la vie au contraire de la paresse.
Fin de l'histoire.
Et si cette comptine, dont les premiers écrits remontent au milieu du XIXème siècle mais qui a surtout été popularisée par Disney dans les années 1930, révélait bien plus de l'état d'esprit des hommes vis-à-vis de la nature qu'il n'y paraît au premier abord ? Et si cette parabole était l'expression d'une croyance aveugle en notre capacité à maîtriser le monde par le progrès ? Les techniques utilisées par les cochons sont toutes connues et appliquées à travers le monde, y compris celles qui apparaissent les moins solides, mais la maison la plus résistante est celle utilisant les connaissances les plus avancées pour l'époque, capables de résister au souffle du loup ou par extension à celui du vent et des éléments les plus destructeurs. La technologie peut être perçue à travers cette histoire comme une garantie face aux vicissitudes et aux aléas. Or, si elle a permis de manière évidente de protéger les populations de nombreux périls, on sait depuis le naufrage du Titanic que nous sommes aussi capables de surestimer nos forces face aux éléments et les événements de cet été prouvent de manière évidente que nos espérances dans une panacée technologique étaient un leurre.
Les feux qui ravagent le Canada en ce moment même sont devenus incontrôlables et aucun Canadair, aucun hélicoptère ne peut plus désormais en venir à bout. Les pompiers en sont réduits à espérer un changement de météo pour que le cauchemar s'arrête. L'intensification des inondations, des tornades ou d'El Nino, comme autant d'expressions du dérèglement climatiques sont des menaces de plus en plus prégnantes qui nous démontrent à chaque épisode combien nos moyens peuvent se montrer insuffisants, dérisoires.
A l'occasion de vacances à Noirmoutier, j'ai pu constater à la fois l'espace que l'homme a gagné sur la mer grâce aux digues et aux polders, mais également combien la montée des eaux et la violence grandissante des tempêtes pouvaient annihiler les efforts faits. Des parties du littoral sont désormais protégées par des pieux pour éviter que l'océan ne gagne sur les terres et par conséquent ne détruise les habitations, comme le souffle du loup balayant les maisons de paille et de bois ; et j'ai eu la sensation assez nette qu'à la manière des enfants qui construisent des châteaux de sable sur la plage en espérant qu'ils pourront résister à la montée de la marée, nous continuons à déployer des moyens parfois colossaux pour contrôler la nature et ses colères mais que nous ne faisons in fine que retarder une échéance inéluctable.
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