J'ai pris l'habitude, sur le conseil de mon épouse, de prendre mon appareil photo chaque matin en partant au travail. La plupart du temps, faute de scène à photographier, il reste bien sagement au fond du sac à dos, à l'arrière de la voiture, m'accompagne à mon bureau et refait le chemin inverse le soir après ma journée de dur labeur. Au moins n'ai-je pas de regret si, d'aventure, je devais rencontrer une luminosité exceptionnelle ou une nappe de brume particulièrement bien placée sur le chemin du boulot.
Depuis la rentrée, les belles conditions automnales étaient plutôt rares et je n'avais pas eu d'occasion réelle de faire de pauses photos, mais il est des jours comme ça où tous les éléments se combinent pour donner une aube particulière. En effet ce matin-là, dès la sortie de la maison, le ciel était étonnamment doré. Une lumière orangée partait du levant et teintait les nuages jusqu'au zénith. C'était particulièrement étonnant et j'espérais pouvoir en profiter le long des 40 kilomètres que je parcours chaque matin.
Hélas, une belle lumière est un plus, mais elle n'est pas suffisante pour faire un cliché. Il faut également des éléments, un sujet, à mettre dans le cadre pour que l'œil du spectateur puisse cheminer dans l'image. Il faut également pouvoir s'arrêter sur le bord de la route sans gêner les autres automobilistes dans leur transhumance quotidienne. Arrivé avant Mirebeau, le Mont Blanc trônait majestueusement dans une lueur totalement irréelle et avec une netteté rare (eh oui, à 210 km à vol d'oiseau, le sommet apparaît plus ou moins clairement une dizaine de fois dans l'année). Malheureusement, je n'avais pas le matériel adéquat pour faire une photo digne de ce nom. Je poursuivi donc ma route, et les kilomètres passant, je commençais à redouter un retour bredouille et une occasion perdue de mettre dans le boitier cette aube incroyable.
Arrivé à Gray, la Saône fumait comme une rivière de lave et le soleil donnait à l'eau une teinte cuivrée. Je m'arrêtai sur les quais et profitai de ce moment unique. Je "sacrifiai" quelques minutes de mon temps précieux à profiter de ce moment incroyable avant de reprendre ma voiture, d'ajuster mon masque sur le visage et de m'enfermer dans mon bureau pour une nouvelle journée de travail... A ce stade, je savais au moins que ma journée n'avait pas été vaine !
Salut Gilles.
Comme d'habitude, tel l'alchimiste qui transforme le plomb en or, tu nous enchante avec la lumière de tes photos et la magie de ton verbe...
Merci gilles pour ta poésie.
Sublime !