Sommes-nous toujours capables de profiter de l'imprévu, d'apprécier les opportunités qui nous sont offertes, au hasard d'une route, d'une rencontre, ou de circonstances faisant dévier quelque peu le cours de nos vies ordinairement si bien réglées ? L'apéro imprévu qui nous amène à refaire le monde quelques heures plus tard, l'invitation impromptue à laquelle on fini par répondre : "et pourquoi pas ?" et qui fournit après coup des souvenirs pour le reste de notre vie. La force de l'habitude a tendance à nous enfermer dans des routines, sans doute rassurantes, forcément nécessaires pour organiser des emplois du temps toujours plus chargés, mais aussi sclérosantes et nous faisant passer à côté de l'inattendu et, parfois, de bonnes surprises. La plupart du temps, nous accueillons ces scories avec, au mieux, un grommellement, le plus souvent un sérieux énervement ou les mauvais jours, un complet pétage de plomb ! Et pourtant...
Alors que je rentrais du travail, une fin d'après-midi de cette mi-juin, une voiture de gendarmerie bloquait la route que j'emprunte matin comme soir. Pour une raison que je ne connaîtrai sans doute jamais, une gardienne de la paix m'indiquait une route alternative, un chemin de traverse, une promesse d'autre chose, mais ça, je ne le savais pas encore. N'étant pas particulièrement pressé par le temps, je pris cette proposition avec flegme, et décidai d'ouvrir le regard et d'apprécier le paysage sur cette départementale que je n'avais jamais encore empruntée. Le ciel, bleu profond, était constellé de nuages d'orages allant du blanc le plus lumineux au gris ardoise le plus menaçant. Par chance, j'avais le matin même repris l'excellente habitude que mon épouse m'avait suggéré, consistant à prendre mon appareil photo en toute circonstance, au cas ou.
La déviation, par chance, était mal indiquée, et après quelques carrefours, je me retrouvai sur une route plus petite encore, moins fréquentée également, et qui sillonnait à travers champs, traversant de temps à autre un bois, franchissant un pont. Je scrutais le bord des zones boisées, espérant voir un chevreuil ou un renard en maraude. Un chemin de pierre, sur la gauche, m'invita à le suivre. Après quelques virages à angle droit, les pierres laissaient la place à l'herbe, et je me garai sur le bas côté, décidé de poursuivre à pieds. Le chemin s'avançait à travers les cultures, à gauche de l'orge, à droite du blé, à perte de vue sous un ciel aux couleurs dramatiques et contrastées.
Après quelques centaines de mètres inconfortables dans mes chaussures de ville, j'arrivai au sommet d'une petite montée qui offrait une vue dégagée sur les environs. Le paysage était simple, magnifique, il suffisait d'être là, et de prendre le temps de le regarder pour en profiter. La température de cette fin de printemps était idéale. Je fis quelques photos, tentai un panoramique et en profitai pour m'émerveiller de ce moment, indispensable puis totalement imprévu dans le programme de ma journée. Je finirai par une citation très approximative de Philippe Meyer qui disait à peu de chose près : "avec la puissance croissante des algorithmes des moteurs de recherche, on finira par ne plus trouver que ce que l'on cherche". Tout ça est tellement vrai !
Fantastique! Et sûrement plus beau et impressionnant en vrai!
Veinard! Merci
La photo est très belle, le texte également… Mais la dernière citation est vraiment ma crainte pour ne pas dire plus, de ce que vous vivrez à l'avenir… Pourrons-nous maîtriser ce qui va agir et penser à notre place ?
Profiter de ce que cette belle nature nous offre.....merci Gilles pour ces joyaux.